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30/01/2007

Feuille, caillou, ciseau, ombre [XII]

La plus grande ville européenne est imaginaire, elle s'appelle Urville. C'est un work in progress de l'artiste autiste Gilles Trehin. (J'écris «artiste autiste» pour faire court, il va sans dire que chaque terme pose pas mal de questions, sans parler de leur juxtaposition, les institutions qui diagnostiquent l'autisme et celles qui opèrent la validation artististique étant a priori différentes.)

Urville est un ensemble de dessins représentant une mégapole de 20 millions d'habitants. Ce qui frappe en premier lieu l'observateur, outre le gigantisme de l'entreprise, c'est la virtuosité du dessin en perspective. Cette capacité à dessiner en perpective à main levée, sans construction préalable d'un réseau de lignes et de points de fuite, a été observée trés tôt chez Gilles Trehin, en parallèle avec le diagnostic d'autisme.

 



Une évidence s'est imposée à la vision de ce dessin: Le dessin en perspective est hyper-lié. Ceci peut sembler en contradiction avec certains traits du dessin hyper-lié que j'ai relevé précédemment et en particulier sa dimension non-hiérarchique.

Il faut ici faire une bref retour (merci à Olivier Auber) à la perspective spatiale que nous a léguée le Quattrocento italien. A l'époque, il s'agissait de trouver un système de représentation de l'espace à trois dimensions sur la surface bidimensionnelle du tableau. Après quelques précurseurs, l'architecte Brunelleschi a montré à ses contemporains, grâce à l’expérience dite de la tavoletta menée sur la place de la cathédrale Santa Maria delle Fiore à Florence, que cette représentation ne pouvait se faire que par l'entremise d'un point de fuite unique, homologue de l’œil du peintre, fiché sensiblement au centre du tableau.

Dès lors que ce point de fuite est fixé, des règles simples permettent de tracer les fuyantes et de doter de proportions justes les divers objets de la scène. En d’autres termes, au cœur de la représentation, il n'y a plus, comme au Moyen Age, trônant sur fond doré, un système de valeurs hiérarchisées suivant des catégories politiques, symboliques et religieuses ; il y a une simple construction géométrique, ordonnée par un point de fuite, unique et insaisissable qui renouvelle de manière radicale les conceptions de l’infini et de l’inconnaissable. On reconnaît ici le dispositif du dessin hyper-lié: point de fuite/source lumineuse/œil, projection, écran

 

 

 

28/01/2007

Feuille, caillou, ciseau, ombre [X]

Le dessin hyper-lié est un sytème clos. Comme la maison de la sœur et du beau-frère de «Mon oncle» de Tati, il est difficile d’y entrer et compliqué d’en ressortir (la porte d’entrée est munie d’un dispositif d’automatisme hautement technologique, incompréhensible pour le non-initié). A l’intérieur par contre, comme le dit la maîtresse de maison aux visiteurs qui font le tour du propriétaire : «C’est moderne, tout communique».



Dans  cette scène, Monsieur Hulot tente
à grand-peine d'entrer  dans la maison hyper-liée. Celle-ci apparaît à l'arrière plan, évoquant à la fois l'ombre chinoise et le fantôme.