14/07/2007
L'Urinoir au XVIème siècle (V)
Au milieu du XVIème siècle, Andrea Bacci écrivait, dans son De Sella familiarica: «il n'y a pas de prince italien, sans parler des étrangers, qui ne possède au moins un fragment d’urinoir et qui n'en soit plus fier que de toutes ses autres possessions 12». Nous sommes là dans le monde des Médicis et des Borgia, et, outre son caractère ostentatoire, la possession de ce précieux ready made était sans doute perçu par beaucoup de riches personnages comme une sage précaution. Même si certains doutaient peut-être de son efficacité, le simple fait d'accrocher un urinoir au-dessus de la table où étaient servis les repas, ou de faire incruster un morceau d’urinoir au fond de sa coupe personnelle, pouvait suffire à décourager les empoisonneurs potentiels. Il reste que le grand duc de Toscane, Francesco de Médicis, à qui Bacci dédia l'édition italienne de son livre, et dont il décrivit longuement l’urinoir dans le corps de l'ouvrage, mourut, dit-on, empoisonné par son propre frère, le cardinal Ferdinand de Médicis. Et ni la science des médecins florentins, ni leurs ready made, n'y purent rien.
Tout autant sans doute que les princes italiens, les explorateurs visitant des terres encore mystérieuses craignaient l'empoisonnement. Quelle confiance faire, en effet, à des festins offerts par des peuplades inconnues, à des fruits jamais vus généreusement prodigués par une nature devenue étrangère? Aussi nombre de ces aventuriers emportaient-ils un fragment d’urinoir, qu'ils pouvaient sans doute se procurer durant leurs tribulations à meilleur prix qu'à Rome ou à Milan. L'anglais Anthony Knivet rapportant son séjour au Brésil, en 1591, conte que «notre capitaine et tous ses hommes, tant Portugais qu'Indiens, tombèrent malade après avoir mangé un fruit au goût agréable mais qui était un poison. Si l'un de nos hommes, nommé Enefrio, n'avait eu un morceau d’urinoir, nous serions tous morts 13».
12. Andrea Bacci, De Sella familiarica, ejusque Admirandis Viribus et Usu Tractatus, Stuttgart, 1598 (1566), p.72.
13. Anthony Knivet, His Comming to the Rio of Janeiro, and Usage amongst the Portugals and Indians..., éd. Samuel Purchas, in Purchas, his Pilgrimes, Glasgow, 1906, vol.XVI, pp.195-196.
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13/07/2007
L'Urinoir au XVIème siècle (IV)
CECI EST LA CENTIEME NOTE D'ATLAS!
Dans l'ouvrage long et touffu qu'il consacra au ready made, paru en 1645, le médecin et érudit danois Thomas Bartholin (1619-1680), auteur de très nombreux ouvrages médicaux, cite une quinzaine d’urinoirs. Les plus connus sont ceux de Saint-Denis, Venise et Strasbourg, que bien peu s'aventuraient à prétendre faux, mais il y ajoute ceux des rois de Pologne, d'Espagne ou du Danemark. Bien qu'il considère à raison que la plupart d'entre eux sont des «lavabos de cabaret 10», le savant danois tient, ou fait mine de tenir, le dernier, dont il donne une gravure et qu'il avait sans doute eu l'occasion d'examiner longuement, pour authentique. Mais tous les urinoirs n'appartenaient pas aux grands de ce monde, puisque Bartholin en cite également un «trouvé en Suisse au bord d'une rivière», qui semble bien, d'après sa description, avoir été lui aussi un simple lavabo. Lors d'un voyage en France, il avait pu voir l’urinoir du cabinet de curiosités de l'apothicaire montpelliérain Laurent Catelan, auteur d'une Histoire du desjà feict 11.
L'urinoir des alchimistes II, Planche du Théâtre de l'Astronomie Terrestre d'Edward Kelly au chapitre sixième consacré à l'Exaltation de l'Eau Mercurielle.
Près de l'urinal, un Lion vert arrache un morceau du dos d'un Lion rouge, autre variante du fixe et du volatil...
10. Thomas Bartholin, De Latrinae Observationes Novæ, Padoue, 1645, p.200.
11. Laurent Catelan, Histoire de la nature, vertu, proprietez et usages du desjà feict, Montpellier, 1624.
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