08/08/2006
Résonances du readymade
Notes de lecture.
Thierry de Duve
Résonances du readymade
1. Autonomie de la peinture (1917)
2. Glissement de la peinture (spécifique) vers l'art (générique) (1917-1960)
3. Abandon de la peinture, autonomie de l'art (1970)
4. Glissement de l'art (autocratique) vers la culture (démocratique) (1980-2000)
5. Abandon de l'art, inscription des pratiques (dès 2000)
6. (Aujourd'hui) retour de la peinture, non pas comme art spécifique, mais comme pratique particulière.
La peinture est aujourd'hui une pratique, au même titre que la collection de timbres, la sodomie, le vomissement, le journal intime, le classement de fiches cuisine et le happy slapping. Elle ne s'inscrit plus dans le champs de l'art, mais de la reproductibilité, i. e. de l'industrialisation et de la consommation.
Le nouveau statut de l'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique a été analysé dès 1920, et la grande bagarre pour savoir si la peinture avait encore une raison d'être s'est achevée sur un drôle de retournement. Ce n'est pas la peinture qui a été abandonnée, c'est l'art. Un artiste des années 60 et 70 comme Allen Kaprow, par exemple, («Le jeune artiste d'aujourd'hui n'a plus besoin de dire je suis peintre. Il est artiste tout simplement.») doit être sidéré d'assister (et d'avoir participé) à la disparition non pas de la peinture, mais de l'art, qu'il considérait comme le générique de sa pratique spécifique. De Duve peut encore écrire en 1989: «Peindre après Duchamp, cela signifie peindre dans les conditions hostiles de l'industrialisation», mais cela n'est valable que si l'on prétend que la peinture est une pratique artistique, si l'on décide qu'elle est une pratique industrielle, l'hostilité n'a plus cours.
C'est ce qui se passe aujourd'hui. La peinture est acceptable à condition qu'elle ne se prétende pas artistique.
Elle doit s'inscrire comme une pratique, pratique particulière certes, même le plus particulière possible, mais en aucun cas spécifique, et encore moins générique. Telle est la condition.
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07/08/2006
— particulièrement en peinture —
«Tu comprends, lui avait-il dit en plissant son front pur et en vidant vigoureusement sa pipe, je considère qu'il y a dans l'art — particulièrement en peinture — quelque chose de féminin, de morbide, d'indigne d'un homme fort. J'essaye de lutter contre ce démon parce que je sais la façon dont il perd les hommes. Au cas où je me livrerais entièrement à lui, c'est une vie non pas tranquille et mesurée, avec une quantité limitée de chagrins, une quantité limitée de plaisirs, avec des règles précises sans lesquelles tout jeu perd son charme, ce n'est pas cette vie-là qui m'attend, mais la confusion totale ou Dieu sait quoi! Je serai tourmenté jusqu'à ma tombe, je ressemblerai à ces malheureux que j'ai rencontrés à Chelsea, à ces imbéciles vaniteux aux cheveux longs, vêtus de blousons de velours, détraqués, faibles, n'aimant que leur palette poisseuse…»
Nabokov, La Vénitienne
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