26/09/2006
chocolat
«[Max] Doerner avait vu juste: comme la chaîne de la tradition a été brisée, les artistes ‹travaillent indépendamment les une des autres›. Quand les filiations temporelles sont rompues, les liens spatiaux se dissolvent; quand les morts ne parlent plus aux vivants, les vivants ne communiquent plus entre eux. Disparue la communauté des pairs avec qui l'artiste dialogue par-delà le temps, il ne lui reste pour régler ses ambitions que le social. La distinction entre artiste et non-artiste n'est plus un a priori, et la définition même de l'art est devenue une affaire publique réglée par la vox populi, avec les risques évidents de donner dans la mode et la démagogie. Doerner l'a vu, mais ce qu'il n'a pas voulu admettre, c'est que cette condition du peintre de la vie moderne, que Baudelaire avait saisie avec une autre clairvoyance, était irréversible (c'est moi qui souligne, P. L. ). Aucun corporatisme, aucune défense du métier, aucune admonestation enjoignant les célibataires de broyer leur chocolat eux-mêmes ne feront qu'ils cesseront d'être des célibataires.»
Thierry de Duve, Résonnances du readymade
10:35 Publié dans Le redit m'aide | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, arts, peinture, duchamp, Thierry de Duve, chocolat | Facebook