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17/09/2006

Scheibitz, suite

Je pose ici ma réponse au commentaire de Gaspard Gardner:

Comment peut-on être si sûr que Klee ne concourt pas? N'est-ce pas ici la légende moderniste qui parle?
Klee a quand même fondé une école, participé au mouvements artistiques les plus pointus de l'époque, théorisé sans cesse, etc… N'a-t-il pas lui aussi «exercé un langage pictural donné selon un programme précis»?

Par contre, je suis d'accord de dire «qu'il cherche spécifiquement un non-lieu qui échapperait aux sanctions relatives à la victoire ou à la défaite». La question est de savoir pourquoi. Par modestie? par ruse? par crainte?

Je relis Thierry de Duve et je comprends ceci: l'horizon de l'art moderne est la toile vierge. C'est ce que Duchamp a compris dès 1917, et que les peintres ont fini par comprendre en 1950. Mais cet horizon de la toile vierge s'est dessiné dès le début de l'art moderne, disons vers 1860, avec la phrase de Cézanne: «Je vous dois la Vérité en peinture et je vous la dirai», et celle de Baudelaire à Manet: «Vous n'êtes que le premier dans la décrépitude de votre art».
A partir de là, De Duve le montre très bien, la toile vierge est la sanction suprême, l'ultime totem auquel on essaie d'échapper tout en courant vers lui à toutes jambes. Voilà pour moi le sens de l'«errance» de Klee et des autres modernes, voilà pourquoi ils nous en imposent – ils sont en danger, ils luttent, ils essaient d'échapper à la sanction tout en la mettant en œuvre(s).

Pour nous, pour Scheibitz, la sanction est tombée, il n'y a plus de manque (le manque me manque), plus de danger (plus le danger est grand, plus grand est ce qui vient au secours). C'est ça qui nous manque, c'est là qu'on est en danger.

Commentaires

Bien-sûr, je ne peux pas prouver que Klee ne concourt pas, mais ce qui est donné à voir m’amène à penser qu’il cherche à sortir du stade.

D’autre part, ne pas concourir n'est pas un mythe moderniste, c'est plutôt une quête mystique propre à tout art, de même que concourir n’est pas l’apanage de l’art contemporain, c’est une obsession qui traverse aussi tous les arts, tous les ages et toutes les âmes. Ce sont deux pôles toujours simultanément présents chez l’humain.

Tout artiste vit dans ce tiraillement; il y a la nécessité intérieure, et l'obligation sociale, il s'agit donc d'abord de déterminer quel pôle a le dessus. Lequel est la matière première de l'autre.

On ne peut répondre à cette question que par une pratique, et cette pratique peut être en parfaite contradiction avec tous les manifestes, discours, déclarations d’intention qui sont parfois parallèlement produits. Cette pratique peut aussi varier d’œuvre en œuvre chez un même artiste. Picasso n’y répond pas de la même manière lorsqu’il peint Guernica ou un portrait de Sylvette, Rembrandt n’y répond pas de la même manière lorsqu’il peint la Ronde de nuit ou un autoportrait etc…

Donc laissons Klee et Scheibitz de côté, aucune preuve ne peut être fournie quant à leurs intentions.
On ne peut se baser que sur des impressions.

Celles-ci varieront de spectateur en spectateur, en fonction de son environnement, de sa culture, de ses propres quêtes et de ses propres obligations.

Alors, posons la question différement : Peut-on avoir une pratique artistique, où ces deux pôles s’équilibre librement à l’intérieur du champ magnétique qu’est le marché de l’art dit contemporain et globalisé du début du XXIème siècle ? Est-ce plus difficile qu’à la Cour d’Espagne au XVIIème siècle ? Est-ce plus difficile qu’à un Salon du XIXème ou que dans le Paris du modernisme et des avant-gardes du XXème ?

Écrit par : Gaspard Gardner | 18/09/2006

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