06/09/2006
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L'interprétation par Freud lui-même de son rêve du haut-de-forme en verre semble incomplète ou censurée. Les grandes lignes en sont les suivantes:
Le chapeau sur les genoux est associé à un proverbe: «lorsqu'on met chapeau bas, on arrive à tout en ce monde.»
Le verre l'«amène sans trop de détours à penser au bec Auer» et à son inventeur dont il envie la réussite.
(Le fait qu'il précise sans trop de détours fait suspecter un montage un peu trop habile.)
Ce qui me frappe, c'est que la première association l'amène à un proverbe, à un lieu commun, à une phrase toute faite; comme s'il abandonnait son propre langage pour un autre qu'il s'approprie, un langage familier, mais exogène.
Dans cette altération du langage, ce hiatus, je vois l'effet de la grenouille. Dans l'histoire de Toto, la grenouille installe le trouble sur ce que Toto veut raconter, ce qu'il a le droit de raconter vu les circonstances, et sur ce qu'on entend sans qu'il le dise. Dans l'histoire du type, la grenouille renverse la situation en prenant la parole. Elle était un symptôme et elle devient la patiente, on pensait avoir affaire à une excroissance sur un crâne et il s'agit d'une excroissance sur un pied. Chez Freud s'opère au même moment un glissement de «je» à «on», puis avec le bec Auer à «lui» (Auer = Auch er, lui aussi). Il crée une dilatation alors qu'il est en train de décrire la condensation.
Lorsque la grenouille parle, et elle parle beaucoup dans les rêves, elle fait vaciller tous les langages et tous les codes. Elle met en danger la maîtresse (chez Toto), le médecin (chez le type), la sagesse populaire et le professeur émérite (chez Freud).
La grenouille fait tomber le chapeau.
Chapeau en écorce de cèdre tressée, avec motif de Grenouille peint à la main par Charles Edenshaw, artiste haïda (Canada). L'étoile à quatre branches bicolores est la signature de cet artiste.
Recueilli à Masset en 1911 par C.C. Perry.
MCC VII-B-899 (S92-4284)
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04/09/2006
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Jouons à interpréter ces histoires.
Je repère les thèmes communs.
Chez Freud: haut-de-forme, verre, genoux
Chez Toto: eau, grenouille, genoux
Chez le type: grenouille, haut-de-forme, pied
Manquent donc:
Chez Freud: la grenouille
Chez Toto: le haut-de-forme
Chez le type: l'eau (si on admet déjà que le verre chez Freud correspond à l'eau de la mare chez Toto)
Si les trois histoires racontent la même chose, ce que je pense, on devrait trouver des correspondances.
Les trois histoires sont incongrues, ou plus exactement elles révèlent une incongruité.
Cette incongruité est à la fois cachée et révélée par le haut-de-forme.
Le haut-de-forme peut représenter la civilité, la distinction, or chez Freud il est transparent et fragile; chez le type il cache une difformité grotesque. Et chez Toto?
Chez Toto, la civilité, la règle sociale est dans l'exercice imposé par la maîtresse: la rime. La rime est en quelque sorte la garante (aujourd'hui stéréotypée) de la plus «haute forme» du langage: la poésie.
Or, comme chez Freud et le type, la rime est à la fois ce qui distingue, ou devrait distinguer et ce qui révèle l'incongruité. En effet, la phrase «je me suis baigné dans la mare au grenouilles, j'avais de l'eau jusqu'aux genoux» serait totalement innocente, en l'absence de la rime imposée — et esquivée!
Chez Toto, le haut-de-forme est donc présent: c'est la rime. Cela amène une nouveauté: ce qui est en jeu, c'est le langage. On ne s'étonne donc plus de voir que la grenouille parle dans la troisième histoire.
Cherchons à présent l'eau chez le type. Nous apprenons par les deux autres histoires que l'eau est liée au genoux. (eau jusqu'aux genoux, chapeau en verre sur les genoux). Chez le type, un lien est établi entre un pied et une verrue. Le virus qui est à l'origine de la verrue, le HPV, s'introduit plus aisément dans un épiderme gorgé d'eau. Le grand classique est la verrue au pied qu'on attrape à la piscine. La verrue au pied de la grenouille signe donc le passage de l'eau.
Reste la grenouille manquante chez Freud. Elle est plus difficile à trouver. Où est-elle?
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